gourrer

gourrer

⇒GOURER, GOURRER, verbe trans.
A. — Vieilli
1. Pop. Duper, tromper. J'ai été gouré (LITTRÉ). Aussi bien, je sais qu'on vous fait étudier le latin dans vos séminaires pour gourer plus facilement les pauvres gens (FABRE, Courbezon, 1862, p. 235).
2. Falsifier une drogue. (Dict. XIXe et XXe s.).
B. — Emploi pronom. réf., cour., pop.
1. Se tromper. Se gourer de porte, de route. Ce soldat à moitié éveillé dit : — C'est à droite, puis encore à droite, et alors tout droit. Ne vous gourez pas (BARBUSSE, Feu, 1916, p. 220). Pour la première fois de sa vie il s'était foutu le doigt dans l'œil! Il s'était entièrement gouré (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 408) :
Si Bourbaki [le colonel] avait pensé rompre la bonne entente de l'équipe en introduisant un gradé parmi nous, il s'était gourré; jamais l'entente n'avait été aussi parfaite...
CENDRARS, Main coupée, 1946, p. 243.
Se gourer dans, sur. Il ne se gourait pas tout à l'heure dans ses pronostics (SIMONIN, Touchez pas au grisbi, 1953, p. 65). Tu t'es gourré sur un point : jamais mon type ne deviendra communiste (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 122).
2. a) Se douter de quelque chose. Malgré qu'il était fada, il se gourait bien d'une passe bizarre... Il se méfiait que je le plaque au flan au milieu de la nuit... (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 324). Je vais foncer pour essayer d'murer les Sora [qui veulent nos millions]. J'tiens pas à leur refiler une bougie, tu dois t'en gourer (LE BRETON, Rififi, 1953, p. 173).
Sans se gourer que. Ils étaient venus se poster là pour mieux pouvoir surveiller la sortie du fleuve, sans se gourrer que nous étions — nous qu'ils voulaient capturer — à cinq mètres d'eux séparés par un feuillage (DUSSORT, Mém., Cavale, 1929-34, dép. par G. Esnault, 1953, p. 3). L'aubergiste : Il a tenu l'enfant bouclé... On était loin de se gourer qu'il s'agissait d'un kidnap'-pinge (LE BRETON, Rififi, 1953, p. 223).
b) Se méfier. Goure-toi de ce frère-là : il est tout ce qu'y a de crème (BRUANT, Dict. fr.-arg., 1905, p. 86). — Goure-toi qu'il ne te fasse quelque saloperie (BRUANT, Dict. fr.-arg., 1905p. 147).
REM. Goure, subst. fém. a) Pharm., vx. Drogue falsifiée (LITTRÉ). b) Au fig., pop., vieilli. Falsification, tromperie. Vol à la goure. Vente trompeuse, à bas prix, de choses sans valeur que l'on fait passer pour précieuses (d'apr. FRANCE 1907). Solir à la goure ,,Vendre du toc`` (ESN. 1966). Ces tonneaux, destinés aux Voleurs et aux Solliceurs à la Goure, sont si artistement faits, qu'il est très-rare que la fraude soit découverte (VIDOCQ, Voleurs, 1836, p. 174).
Prononc. et Orth. : []. Gourer et, moins souvent, gourrer. Ce dernier ds HAUTELt. 1 1808, MICHEL 1856, FRANCE 1907 (var.), SANDRY-CARR. 1963 (var.), LE BRETON Argot 1975. Étymol. et Hist. 1. 2e moitié XIIIe s. [ms.] gorré « trompé, dupé » vilein gorré (Le dit des Avocas, 342 ds Romania t. 12, 218), attest. isolée; 2e moitié XVe s. [ms.] « duper, tromper » ([VILLON], Ballade, VIII, 22, éd. A. Lanly : Gueux gourgourans par qui gueux sont gourez); 1807 pronom. (d'apr. ESN.); 2. 1832 « falsifier » (RAYMOND) en partic. 1845 « falsifier des drogues » (BESCH.). Prob. dér. du rad. gorr-, v. aussi goret, le verbe signifiant prob. à l'orig. « agir comme un porc — c'est-à-dire d'une manière sale et méprisable — » (FEW t. 4, p. 199b); l'hyp. de EWFS2 d'un empr. à l'ar. gurûr « tromperie » ne repose que sur une similitude de son. Fréq. abs. littér. : 35.
DÉR. Goureur, -euse, subst., vx. ,,Celui qui falsifie les drogues`` (Ac. 1835, 1878). P. ext. ,,Celui qui trompe dans un petit commerce, dans un échange. Ne faites pas de marché avec lui, c'est un goureur`` (Ac. 1835, 1878); (cf. LARCHEY, Excentr., 1865, p. 162). []. Ds Ac. 1798-1878. 1res attest. 1549 coureurs, enchanteurs & triacleurs eshontez (Fousch 227 F. ds R. Ling. rom. t. 40, p. 236), 1694 gourreurs (P. POMEY, Histoire générale des drogues, Paris, I, 285, ibid.); du rad. de gourer; suff. -eur2.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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